Erreur d'administration d'un médicament en unidose à un nouveau-né : attention aux apparences !

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Erreur d'administration d'un médicament en unidose à un nouveau-né : attention aux apparences !

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  • Nouveau-né dans le berceau de la maternité - La Prévention Médicale

L'utilisation d'unidoses est fréquente en maternité, d'autant plus lorsqu'il s'agit des soins du nouveau-né : nettoyage des yeux, du nez, du cordon... Les erreurs lors de l'administration ou de l'utilisation de ces petits conditionnements font partie des "never events" : ces accidents sont majoritairement évitables et nécessitent une meilleure vigilance de la part des soignants.

Auteur : Candice LHAUTE, Sage-femme / MAJ : 17/03/2025

Présentation du contexte

Lucas est né hier.

L’accouchement a lieu par voie basse spontanée, à 39 SA + 4j. Le liquide amniotique est clair, la présentation céphalique. Il pèse 3 380 g, le périmètre crânien est mesuré à 35 cm ; le pH à la naissance est de 7.25, lactates 3.8, l’Apgar est coté à 10/10/10. L’adaptation à la vie extra-utérine est donc parfaite.

La mère de Lucas n’a pas d’antécédents médicaux particuliers : son groupe sanguin est O rhésus négatif. Le père de Lucas étant de rhésus positif, une détermination du rhésus fœtal pendant la grossesse a été effectuée : il est positif ; sa mère a donc bénéficié d’une prophylaxie anti-D par Rhophylac® au 7e mois de grossesse.

12 heures après la naissance, le biliflash de Lucas est élevé : une bilirubinémie sanguine est prélevée, ainsi qu’un test de Coombs et une NFS. La bilirubinémie revient à 190 µmol/L et le Coombs est positif : le diagnostic d'ictère précoce est posé et le pédiatre prescrit 2 séances de 4 heures de photothérapie discontinue. La 1re séance débute le soir même à 23 h en néonatologie.

À 3 h, la 1re séance de photothérapie est terminée, Lucas rejoint ses parents en chambre pour manger et faire une pause avant la 2e séance : ils sollicitent alors de l’aide pour l’allaitement. La SF (sage-femme) réalise la mise au sein et constate un encombrement nasal de Lucas.

Sollicitée par d’autres patientes, la SF demande son avis à l’AP (auxiliaire puéricultrice) qui pense devoir réaliser une DRP (désobstruction rhino pharyngée) : en présence de Lucas dans la chambre, elle confirme la nécessité de la réaliser. 

Les parents ont une pochette avec des pipettes de sérum physiologique. Le papa sort une pipette de la trousse, la tend à l’AP qui réalise la DRP. La lumière de la salle de bain est allumée ainsi qu’une veilleuse des parents à côté de la table à langer. À l’instillation de la DRP, le nouveau-né se bloque et cyanose. L’AP prend immédiatement le bébé et l’emmène sur la table de réanimation du poste de soins. Elle trouve dans le couloir les 2 SF à qui elle demande de venir immédiatement.

Sur la table de réanimation, les SF constatent une détresse respiratoire avec cyanose, l’aspiration est efficace et productive mais semble entravée du fait de l’œdème de voies aériennes ; le saturomètre est posé sur la main droite de Lucas mais la valeur peine à s’afficher ; le BAVU n’est pas raccordé à l’O2 et les SF n’arrivent pas à ventiler : elles décident de descendre l’enfant en SDN. Pendant ce temps, l’AP appelle le pédiatre de garde.

En salle de naissance, la SF ventile avec le néopuff. Le pédiatre arrive et prend le relais de la ventilation. La saturation oscille entre 70 et 80 %, la FC est normale, la FR est à 80/min. Lors de la ventilation, le médecin constate que la pression monte mais que la PEP est à 0.

Le pédiatre règle la PEP du néopuff à +5. L’enfant récupère progressivement. Il persiste tout de même une rougeur au niveau d’une des 2 narines. Après stabilisation, le pédiatre reprend l’histoire et après arrivée de l’AP avec la pipette en question, ils constatent qu’il s’agit de chlorhexidine aqueuse.

Il réalise une DRP des 2 côtés avec du sérum physiologique, l’enfant s’améliore : il y a diminution de l’œdème des voies aériennes supérieures et disparition du laryngospasme. Décision est prise de l’hospitaliser en néonatalogie pour surveillance. La SF prévient les parents, le pédiatre viendra donner les explications en néonatologie.

Lucas restera 36 heures en néonatologie sous oxygène nasal pour surveillance de l’éventuelle apparition de convulsions (effet secondaire de la chlorhexidine instillée), et pourra sortir avec ses parents à J4.

Méthodologie et analyse

Une analyse de cet événement indésirable est réalisée à posteriori à l’aide de l’analyse des dossiers patients et d’entretiens téléphoniques avec les professionnels impliqués.

La méthode ALARM est retenue.

Conséquences : 

  • Une détresse respiratoire suite à un laryngospasme dû à la chlorexhidine.
  • Un séjour en néonatalogie qui aurait pu être évité.
  • Stress pour les parents et l'équipe médicale.
  • Un "never event" : erreur lors de l’utilisation de conditionnement unidose.

Cause immédiate

Erreur d'administration d'un médicament en unidose.

Causes profondes

Barrières de défense

Pistes de réflexion et d'amélioration

La fatigue, l'heure de la journée, la charge de travail peuvent conduire à des erreurs d'inattention de la part des soignants. Les nouveau-nés étant des personnes vulnérables, les conséquences d'une erreur médicamenteuse peuvent être dramatiques.
Ce "never event" était évitable si la professionnelle avait utilisé le matériel hospitalier ou avait vérifié l'unidose avant l'utilisation : la règle des 5 B s'applique ici encore une fois (le bon médicament, à la bonne dose, au bon patient, au bon moment, par la bonne voie).